Analyser la consommation d’espaces : comment mieux s’approprier les évolutions et enjeux locaux du Pays Avallonnais ?

En ce début d’été 2025, marqué par une canicule record, différentes institutions rappellent l’importance de la mise en place d’actions favorables à la préservation de notre environnement pour limiter ces phénomènes extrêmes. Ces actions se traduisent notamment par une nouvelle façon de concevoir et de gérer les villes et campagnes au travers de la lutte contre l’artificialisation des sols. Cela passe par la limitation de l’étalement urbain d’une part, et, d’autre part, de la consommation de l’énergie et des ressources naturelles. En procédant ainsi, on évite d’impacter les espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF). Pourquoi ? Parce que ces espaces jouent un rôle clé pour l’environnement et l’Homme : ils filtrent l’eau, stockent du carbone, nourrissent la population, abritent la biodiversité, et bien plus encore.

Les politiques publiques, et ce depuis une vingtaine d’années, via la loi SRU, les lois Grenelle et ALUR, et la loi Climat et Résilience, ont donc mis en évidence la nécessité de préserver les sols en favorisant un aménagement du territoire économe en espace naturel agricole et forestier (ENAF). À l’aune de l’ensemble des SCoT, le SCoT du Grand Avallonnais est un document de planification né de ces réflexions. D’ailleurs, les SCoT couvrent environ 75 % du territoire national et 97 % de la population[1]. Ils s’appuient tous sur une analyse de la consommation d’espaces pour comprendre les tendances passées et fixer des objectifs de préservation des ENAF cohérents avec la réalité des territoires et leurs enjeux.

En 2002, aucune consommation d’espace n’est identifiée sur cet espace agricole.
En 2020, cet espace agricole est désormais consommé par de la voirie d’accès (figuré rose) à un lotissement.
En 2023, on constate la construction d’un quartier de maisons individuelles. La présente analyse du millésime 2023 (figurés rose) démontre également les différents mode d’occupation du sol liés à ce secteur résidentiel (jardin, voie d’accès, maison d’habitation, annexe, etc.).

Comment cette analyse est-elle faite ?

Pour alimenter et réaliser l’évaluation de son SCoT, le Pays Avallonnais s’est donc récemment lancé dans la mise à jour des données sur la consommation d’espaces de son territoire. Mais concrètement, quelle est la méthode employée ?

  1. Définir ce qu’on appelle une « consommation d’espace » : il y a consommation d’espaces quand un ENAF fait l’objet d’un changement d’usage et/ou de couverture du sol à destination d’un secteur résidentiel, d’équipement public ou d’activité économique ou agricole. Par exemple, un jardin d’une habitation qui s’étend sur un espace où il était auparavant effectué une culture céréalière est considéré comme consommateur d’ENAF. En effet, cet espace n’est plus utilisé pour produire une source alimentaire et est donc compté dans la consommation d’espaces.
  2. Observer l’évolution dans le temps : pour étudier la consommation d’espaces, le Pays Avallonnais a donc réalisé cette analyse sur la période de 2002 à 2023, soit un pas de temps de 21 ans.
  3. Comparer l’évolution dans le temps : le repérage des surfaces consommées a été effectué par photo-comparaison, en utilisant les images de l’IGN (Institut national de l’information géographique) de 2002, 2007, 2011, 2014, 2018, 2020, 2023 (dates de campagnes disponibles au moment de l’élaboration de cette analyse).
  4. Classer les types de consommation : tous les ENAF consommés ont été identifiés et délimités dans un Système d’Information Géographique (SIG) en distinguant plusieurs types de consommation via la nomenclature suivante : habitat, activité économique, équipements, activité agricole, infrastructures.
  5. Recouper les informations : pour assurer une meilleure fiabilité, cette analyse est également couplée avec d’autres sources, notamment le RPG[2] de la PAC, la BD TOPO[3] de l’IGN ou encore Google Street View.

Quels enseignements pour le territoire ?

L’analyse de cette consommation d’espaces montre que sur ces dix dernières années (2014 à 2024), les espaces agricoles sont les plus consommés sur le Pays Avallonnais. Ils représentent en effet 76,4 % des espaces consommés, soit 145,61 ha sur de 190,54 ha d’ENAF.  Par ailleurs, le secteur des équipements (notamment les énergies renouvelables), est le premier poste consommateur d’ENAF, avec une consommation totale de 44,23 ha soit 23,2 % de la consommation totale ; ce dernier est d’ailleurs le seul qui ne diminue pas depuis 10 ans. Le secteur agricole, quant à lui, tient la deuxième place sur le podium en consommant 22,3 %, soit 42,55 ha, de la consommation totale. Suivent ensuite l’habitat (20,8 %), l’activité économique (17,6 %) et, enfin, les carrières et chantiers (16 %).

Bien qu’essentielles à notre alimentation et notre souveraineté alimentaire, les terres agricoles restent la première victime de la consommation d’espace. Il est donc nécessaire, désormais, de réinterroger nos modèles d’aménagement : comment développer notre territoire en évitant de consommer des terres agricoles ? Comment concilier indépendance énergétique et autonomie alimentaire ? Peut-on durablement faire peser sur nos terres agricoles le poids de la croissance démographique et économique du territoire ?


[1] PLANIF TERRITOIRES, « Imaginons ensemble nos territoires de demain », le 2 août 2023

[2] Le RPG (Relevé Parcellaire Graphique) est une base de données géographique qui recense les parcelles agricoles en France. Elle contient des informations sur les parcelles agricoles, y compris leur  localisation, leur superficie, leur usage (type de culture, prairie, etc.). Les données sont mises à jour annuellement par les agriculteurs eux-mêmes, qui déclarent leurs parcelles et leurs cultures dans le cadre des demandes de subventions de la PAC.

[3] La BD TOPO (Bases de Données Topographiques) est un ensemble d’informations géographiques sur divers éléments du paysage , tels que les routes, les bâtiments, les cours d’eau, les forêts, les zones urbaines, les reliefs, etc. Les données sont très précises et mises à jour régulièrement pour refléter les changements du territoire.